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Avant d’étudier dans de prochains articles les évolutions de l’alchimie, il n’est pas inutile de rappeler pêle-mêle les bouleversements intellectuels survenus aux XVe et XVIe siècles… et connus de tous sous le vocable de Renaissance.

Notre intention n’est pas de décrire ici l’architecture des châteaux de la Loire, pourtant magnifique, qui ne rentrerait pas dans notre étude, mais au contraire de souligner les événements politiques importants qui ont influé d’une manière ou d’une autre sur la vie des adeptes ayant vécu à cette période.
Le terme de Renaissance est généralement associé à la transformation s’étant produite à la fin du XVe siècle et surtout durant le suivant dans la vie intellectuelle et artistique en Italie d’abord, puis en France. Le résultat en fut un formidable épanouissement dans le monde des arts avec les œuvres de Léonard de Vinci, de Raphaël ou de Michel-Ange en Italie (mais des Français comme Jean Goujon, Pierre Lescot, Philibert de l’Orme tirèrent leur épingle du jeu)… et des lettres où s’illustrèrent Marot, Rabelais, Du Bellay, Ronsard ou Montaigne. Sur le plan des sciences, ce furent les travaux de Copernic qui, démontrant que la terre tournait sur elle-même et décrivait une orbite autour du soleil, donna une impulsion nouvelle à l’astronomie ; vu tout ce que nous avions dit précédemment sur l’importance des planètes chez les alchimistes, il était impossible de passer sous silence un tel bouleversement…

Ce bouillon de culture n’a pas été sans retentissement sur l’alchimie ; d’ailleurs le grand Léonard de Vinci (1452-1519), tout en critiquant les alchimistes, a loué l’utilité des choses qu’ils ont découvertes pour l’usage des hommes ; mais, avant d’établir un constat des apports de l’alchimie, il est essentiel de mettre l’accent sur le cours des idées qui va révolutionner le domaine de la religion. Nous voulons parler ici de la Réforme où une partie du monde chrétien se libéra de l’autorité pontificale.
Le mouvement embrasa alors toute l’Europe : Luther en Allemagne, Calvin en Suisse et en France ou même le roi Henri VIII en Angleterre qui fit sécession en se proclamant chef suprême de l’Église d’Angleterre furent les figures de proue de ce qu’on a qualifié par la suite sous le nom de protestantisme. Le XVIe siècle se révéla être un mélange de contradictions avec d’une part une certaine finesse qui peut caractériser la Renaissance (Péguy n’a pas hésité à écrire que les châteaux de la Loire étaient plus nerveux, plus fins que des palais) et, de l’autre, toutes les horreurs liées aux trop fameuses Guerres de religion où les deux camps se rendirent coup sur coup en rivalisant de cruauté dans les massacres qui jonchèrent cette odieuse épopée. Il fallut attendre Henri IV et l’Édit de Nantes en 1598 tolérant la religion réformée pour que le pays pût enfin retrouver sa quiétude.

Un siècle, c’est long ! C’est donc peu dire que toutes les couches de la société furent touchées par cette guerre civile et que les alchimistes, s’ils ne furent pas des militants fanatiques ou même des militaires comme certains écrivains (on pense à Agrippa d’Aubigné côté protestant ou bien à Montluc pour le parti adverse), ne furent pas plus épargnés que la moyenne. Pourtant les populations ne s’entretuèrent pas par hasard et la Réforme n’arriva pas par inadvertance ; il n’est donc pas sans intérêt de s’arrêter quelques instants sur ses causes. Au Moyen-Âge, l’Église détenait une puissance considérable puisqu’elle intervenait pratiquement dans toutes les circonstances de l’existence des gens : son pouvoir était énorme non seulement sur le plan spirituel où elle ne manquait pas de berner les plus humbles en appelant au salut de leurs âmes, mais aussi dans la vie pratique de tous les jours. Faisant office d’état civil en tenant les registres des naissances, des unions et des décès, elle pouvait interférer dans des procès relevant de mariages ou de testaments. Enfin, et surtout, elle avait quasiment un monopole de l’enseignement grâce à ses Universités et à ses écoles. Il n’est point utile de rappeler où avaient été formés Albert le Grand, Roger Bacon, Raymond Lulle ou Arnaud de Villeneuve…
Or, vers la fin du Moyen-Âge, grosso modo à partir du XIVe siècle, l’image des papes et des personnels ecclésiastiques se ternit considérablement. Les premiers pensaient davantage à augmenter leur fortune qu’à écouter leurs ouailles ; quant aux seconds, ils étaient gagnés par une corruption des mœurs qui s’était quasiment généralisée. Suivant en cela le Souverain pontife, tout était prétexte pour eux à concrétiser des opérations financières juteuses et ils n’en finissaient pas de vendre des indulgences, des pèlerinages et des cérémonies de toutes sortes n’ayant pour but que de faire de l’argent. Ces pratiques peu catholiques eurent comme conséquence de les séparer du peuple qui ne se reconnaissait plus dans ces prêtres aux antipodes de leurs besoins. Survint alors un événement qui allait changer le monde : l’invention de l’imprimerie. Les premières Bibles parurent dans les années 1455-1460 et les premiers lecteurs furent saisis par le contraste entre les vies dissolues des représentants religieux et celles narrées dans les Écritures. Ce fut véritablement un choc pour tous les hommes pieux qui n’avaient entendu jusqu’alors qu’une seule version des faits.

Il devenait alors inéluctable que certains s’engouffreraient dans la brèche. Ce fut le cas de Luther en Allemagne (1483-1546) qui traduisit la Bible et qui surtout entraîna à sa suite un grand nombre de princes, ou de Calvin (1509-1564) en France encore plus rigoureux que son homologue d’Outre Rhin et qui dut s’enfuir en Suisse pour échapper aux persécutions. Les deux écoles connurent des destinées diverses : en Allemagne, cela se continua par une lutte armée entre le pouvoir central de Charles-Quint et les princes réformés, ce qui se solda finalement par une paix accordant à ces derniers le droit de régenter la religion à leur convenance dans leurs états. La religion luthérienne avait gagné.
En France où sévissaient déjà des autocrates, il en fut tout autrement : les rois François Ier et Henri II, choisissant le parti des catholiques, pourchassèrent les tenants des idées nouvelles. Quant à l’Angleterre, elle constitua un cas à part n’ayant rien à voir avec la propagation d’une nouvelle religion ; le schisme fut provoqué par un caprice du monarque Henri VIII : le pape ayant refusé d’annuler son mariage, le monarque n’hésita pas à faire sécession et l’Église anglicane se sépara pour toujours de celle de Rome.

Mais la Renaissance ne doit pas être uniquement assimilée à l’apparition de quelques idées nouvelles, aussi importantes fussent-elles ; ce fut aussi l’émergence d’une autre forme de gouvernement succédant à la féodalité moyenâgeuse. François Ier, par son absolutisme, annonçait Louis XIV un siècle et demi plus tard ; ce fut lui qui installa la Cour dans les belles demeures du Val de Loire, domestiquant la noblesse qui ne demandait qu’à vivre dans le luxe après y avoir pris goût en Italie. Cette fidélité au roi avait un coût et les finances commencèrent à tenir une place prépondérante au sein du royaume. Un système complexe, reposant sur des impôts de plus en plus nombreux ainsi que sur des emprunts, vit le jour… ce qui n’empêcha pas le trésor royal de se maintenir dans une situation de déficit chronique. Les guerres d’Italie, mais aussi les pensions et gratifications accordées aux favoris du moment avaient un prix qu’il fallut bien accepter… et les charges comme les offices, que le souverain octroyait, se firent de plus en plus nombreux.
Si les royaumes se transformèrent pour ressembler à des états modernes, il en fut de même de l’Europe qui s’ouvrit à la découverte du Nouveau monde. Ces voyages entrepris par les Portugais et les Espagnols afin de trouver la route maritime des Indes dans le but de récupérer à terme le commerce des épices eurent des conséquences incalculables. D’abord les voies maritimes classiques furent complètement chamboulées au profit des ports donnant sur l’océan Atlantique ; en France, les villes de Nantes et de Bordeaux liées bientôt au sordide commerce de la traite des esclaves se développèrent de manière intensive. En outre, les métaux précieux affluèrent en quantité, causant un renchérissement des biens de consommation courante dont profita seulement une infime partie de la population ; ce fut un âge d’or pour les marchands et les banquiers ! Pourtant l’essentiel était ailleurs : on assistait là à la naissance de l’économie moderne. Les nations avoisinantes voulurent récupérer à leur tour une (grosse) partie du gâteau ibérique ; ce ne fut pas par caprice que la Grande-Bretagne développa une flotte de commerce impressionnante ni que la France entra un peu plus tard dans la voie du protectionnisme. Mais ceci est une autre Histoire qui nous éloignerait quelque peu de notre propos…

Dans une planète en profonde mutation, les sciences, et l’alchimie tout particulièrement, apportèrent leur lot de nouveautés. Il serait superfétatoire de répertorier dans le détail toutes les inventions à mettre à l’actif des alchimistes ; aussi préférerons-nous en rester à quelques grandes lignes et à nous focaliser sur les domaines suivants.
Tout d’abord la verrerie ; comme cela a été souligné plus haut, sa fabrication était maîtrisée depuis des siècles et il est tout à fait logique que les alchimistes en aient fait progresser les techniques, vu les énormes besoins en récipients de toutes sortes qui étaient nécessaires à leurs manipulations. De plus, ils avaient beaucoup travaillé sur les miroirs (Roger Bacon en tête). Passer de la verrerie aux couleurs devenait quasiment une étape obligée puisque, dès le milieu du Moyen-Âge, les experts ont confirmé l’existence de vases colorés avec des peintures et des émaux en tous genres. Bien évidemment, les adeptes n’avaient pas limité leur incursion dans les minéraux qu’aux pierres et les métaux ainsi que leurs alliages demeuraient leur priorité ; toutefois, nous nous bornerons à souligner les études faites sur l’alun qui est chimiquement un sulfate double de potassium et d’aluminium hydraté utilisé en teinturerie et à partir duquel il était possible d’extraire l’alumine. Dès le XVe siècle, les premières mines d’alun furent exploitées en Italie (l’alun de Rome, tenu comme le haut de gamme, était alors très apprécié), mais également en France et en Angleterre.
L’artillerie et tout ce qui avait trait aux poudres furent un des champs d’investigation des alchimistes ; comme les formulations du feu grégeois ne leur étaient pas inconnues, ils firent bientôt parler la poudre… et toutes ces innovations allaient modifier profondément l’art de la guerre.
Enfin le dernier secteur où s’aventurèrent les alchimistes concernait la pharmacopée ; ils furent très actifs pour élaborer des médecines à base de plantes et de décoction ; le fameux Rupescissa, avait établi une véritable liste de remèdes comme par exemple une eau de fraises pour soigner les maladies de peau ou encore une eau royale (bien différente de l’eau régale, servant à dissoudre l’or et qui est un mélange d’acide nitrique et d’acide chlorhydrique) faite à base de soufre, d’alun de roche (il n’était donc pas uniquement réservé à la teinturerie), de sel gemme et de borax pour guérir les plaies… et les adeptes de la Renaissance n’eurent qu’à reprendre le flambeau pour poursuivre dans cette voie.

En résumé, les (vrais) alchimistes, esprits ouverts sur le monde, ne pouvaient que se féliciter de ce nouveau souffle qui déferlait sur l’Europe en cette fin de XVe siècle. Leurs rapports avec la nature les rapprochaient bien plus des théories de Copernic et des conséquences des Grandes Découvertes que des dogmes rigides de l’Eglise ; de plus, leur manière de se rendre compte par eux-mêmes en privilégiant les manipulations ou encore leur vie d’ascèse les rendait bien plus sympathiques aux yeux des quidams que les curés corrompus, ce qui en faisait des alliés de choix pour les propagandistes des courants nouveaux… Dès lors, il devenait tout à fait cohérent qu’un individu comme Luther pût prétendre qu’il prisait l’alchimie, affirmant que celle-ci était d’utilité pratique et surtout plus proche de la vérité chrétienne…
Mais l’alchimie de la Renaissance devait se diversifier en plusieurs courants ; si certains recherchèrent encore toute leur vie la Pierre philosophale…, d’autres s’éloignèrent de ce cap pour s’en tenir à des buts plus rationnels. Bien que leurs démarches ne fussent pas encore très structurées, avec le recul de l’Histoire que nous avons aujourd’hui, il ne fait aucun doute que ces derniers ont jeté les bases d’une chimie balbutiante et c’est par le plus illustre d’entre eux, à savoir Paracelse, que nous poursuivrons le chemin du chemin dans notre prochain article..

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