Puisque nous démarrons ici une série d’articles sur l’alchimie, afin de clarifier le débat à venir, nous commencerons par dire… tout ce que n’est pas l’alchimie !
I. Ce que n’est pas l’alchimie :
Le public peu informé sur le sujet a retenu deux points essentiels, à savoir la transmutation métallique et la Pierre philosophale. Or si la première, à quelques réserves près, n’a jamais eu lieu, la seconde est une invention provenant du Moyen Age et ayant subi de nombreuses vicissitudes.
En quelques millénaires, bien qu’il y ait eu pléthore d’alchimistes, il existe peu de projections inexpliquées, c’est-à-dire, pour employer le vocabulaire usité, de transformation de métaux vils (le plomb essentiellement) en or. De façon quasi officielle, il n’y en eut que deux ayant laissé une trace dans l’histoire : celle pratiquée chez le Belge Van Helmont en 1618 et la seconde réalisée chez Helvétius (de son vrai nom Jean Frédéric Schweitzer, médecin du prince d’Orange et ancêtre du philosophe des Lumières que nous connaissons mieux) un peu plus tard dans les derniers jours de 1666. D’autres auraient été partiellement effectuées comme celle faite par le tandem Fulcanelli / Canseliet dans les années 1920…, mais doivent être considérées avec beaucoup de réserves vu les nombreuses escroqueries observées ici ou là ou colportées par la légende même (celle de Raymond Lulle dans les années 1300 en est un bon exemple !)… Ce qui pose problème dans l’alchimie, c’est que personne n’a jamais été à même de pouvoir donner la composition de cette fameuse poudre de projection qui était à l’origine de la transmutation ; dans de nombreux cas, il se trouve, en dernière extrémité, un tour de passe-passe ou un stratagème quelconque qui fait que le produit est en l’état possédé par celui qui doit réaliser la transmutation et projeté directement dans un creuset.
Si cette absence d’explication a jeté un doute sur le sérieux des manipulations, elle ne remet pas en cause la symbolique de l’alchimie. En effet, il faut considérer l’or comme le métal le plus accompli et, par là, représentant la perfection ; partant de là, toute une classification des métaux a pu s’opérer. Mais cette référence à l’or est à l’origine d’une seconde interprétation car elle est aussi synonyme de perfection pour l’alchimiste, c’est-à-dire du travail qu’il est amené à faire sur lui-même pour tendre vers son idéal, ce qui fournit à l’alchimie une dimension humaniste et nous conduit à la Pierre philosophale.
Pour ce qui est de cette dernière, sa symbolique et son interprétation ont beaucoup varié au cours des siècles ; cette notion est relativement récente si nous précisons en parallèle que les origines de l’alchimie se perdent dans la nuit des temps. Elle doit être considérée comme un outil universel susceptible de transcender le travail de l’adepte et de résoudre tous ses problèmes… donc, par extension, une abstraction quelque peu indéfinissable susceptible de donner l’accès au bonheur dans son sens le plus absolu. Dès lors, celle-ci peut être commentée un peu au gré de chacun… C’est ainsi que, si tout naturellement il est logique de considérer la Pierre philosophale comme le moyen susceptible de réaliser la transmutation, elle fut aussi parfois confondue avec une thérapie en particulier ou, de manière plus globale, avec un système de médication ; d’autres, au contraire, lui conférèrent des propriétés plus spirituelles, l’identifiant à l’âme du monde. Ceci posé, il n’est pas étonnant que la Pierre ait pris des sens divers selon les périodes considérées comme nous le verrons plus loin.
En fait, la transmutation ainsi que la Pierre ne constituent que la partie émergée de l’iceberg, ce qui pourrait laisser croire que les alchimistes ne furent que de doux rêveurs accrochés à leurs chimères. Car l’alchimie, contrairement à ce qui est communément admis par le plus grand nombre, est aussi un système philosophique reposant sur des textes extrêmement complexes et se proposant d’expliciter une conception du monde1.
Une autre erreur à ne pas commettre est de la lier, tout au moins directement, à la chimie ; si celle-ci est pourtant d’une certaine façon fille de l’alchimie, c’est, si nous pouvons nous autoriser cette expression, par accident. Les alchimistes, cherchant la Pierre comme des damnés (et cela n’est pas qu’une image), ont fait progresser la Connaissance dans tous les domaines, y compris scientifique et c’est de leurs travaux et surtout, malheureusement de leurs investigations infructueuses (il serait injuste d’employer le mot d’échec à leur endroit), que va se développer un terreau fertile sur lequel finiront par surgir les prémices de la chimie moderne
1. Cf. ; De l’alchimie du Moyen-Âge à la chimie moderne ou d’Albert le Grand à Lavoisier, Alain Queruel, Éditions de Massane, 2007 (web : http://www.massanne.com).
Le prochain thème sera consacré aux origines de l’alchimie.
Le Blog d'Alain Queruel
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