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Dans notre précédent article, nous avions prétendu que Paracelse avait amené à l’alchimie une autre dimension en l’intégrant dans la médecine au service de l’homme et en s’écartant de l’alchimie métallique sévissant durant tout le Moyen Âge. Dans ces conditions, il apparaît logique que des disciples se soient réclamés de lui mais aussi que des opposants farouches se soient manifestés.

LES DISCIPLES

Au premier rang desquels il faut citer le Belge van Helmont. En dehors de ses liens avec le Suisse au niveau de la pensée, il est remarquable dans l’histoire de l’alchimie dans la mesure où il fut le témoin d’une projection toujours inexpliquée de nos jours…

Van Helmont (1577-1644)

Originaire d’une famille aisée, le belge Van Helmont se passionna pour la médecine au point d’en faire son existence. Erudit et lettré, il obtint une chaire de chirurgie pour laquelle il n’avait que des aptitudes limitées (ce n’est aucunement un jugement de notre part puisque lui-même l’a confirmé…). Ce serait, d’après la légende, une gale mal soignée par les thérapies classiques auxquelles il aurait substitué un de ses propres remèdes qui aurait décidé de sa nouvelle orientation. Rompant alors avec la médecine traditionnelle, il s’orienta vers la chimie en général et prit Paracelse comme modèle.

Synthèse de son œuvre et de sa pensée

Ceci explique que nous retrouvons des conceptions assez similaires ; par exemple, il distinguait en chaque être humain deux principes dont le duumvirat, correspondant à l’âme et à la matière, et l’archée, sorte d’être immatériel à l’intérieur du corps et régulant son fonctionnement (chaque organe avait son propre archée)…
Si sa médecine était approximative (bien que ses écrits sur la physiologie humaine comportent des points à retenir comme l’action des ferments sur la digestion ou son explication du tympanisme [la cause du gonflement de l’abdomen par accumulation de gaz dans l’intestin] des cadavres), en revanche ce sont ses remarques en chimie qui lui apportèrent la renommée avec l’identification du gaz sylvestre (ancêtre du dioxyde de carbone ou gaz carbonique).

Van Helmont et l’alchimie

Dans ce domaine, il se rapproche beaucoup de Paracelse en épousant ses thèses sur les minéraux, estimant qu’ils peuvent se développer à partir de ferments par l’intermédiaire d’une semence, celle-ci, grâce à l’origine de gaz qu’elle produit, étant à l’origine d’eaux minérales et, par là, de métaux…
Mais, comme énoncé plus haut, ce qui relie Van Helmont à l’alchimie, c’est la fameuse projection dont il fut le témoin au début du XVIIe siècle et qui suscite toujours autant de questions (il y eut également celle rapportée par Helvétius en 1666).

La transmutation de 1618

Le Belge aurait été témoin de l’une d’elles en 1618, recevant de la part d’un inconnu un quart de grain de Pierre philosophale (13,25 mg) lui ayant permis de transmuer en or huit onces de mercure (soit 244,72 g !) et qu’il en aurait rapporté un compte-rendu enthousiaste, à tel point que lui-même, sceptique vis à vis de l’alchimie jusque là, en serait devenu un vibrant partisan et aurait même affublé son fils du prénom de Mercurius… Fut-il victime d’une supercherie ? Il est bien difficile de se prononcer mais cela est d’autant plus suspect que le caractère fantasque du Belge a toujours été attesté et que sa crédulité était, par ailleurs, bien connue... De plus, ce type d’expériences, à savoir une projection faite en présence d’un chimiste représentant en quelque sorte la science officielle, fut assez fréquent. Toujours est-il que van Helmont a prétendu avoir vu la Pierre philosophale : « Elle avait la couleur du safran en poudre, elle était lourde et brillante comme le verre en morceaux »…

Il ne faut pas cependant voir en Van Helmont un hurluberlu totalement déconnecté du réel ; au contraire, s’il est prudent de manifester des réserves dans maintes occasions, certains de ses raisonnements ne manquaient pas de finesse et il constitue assurément un maillon fondamental entre l’alchimie traditionnelle et les chimistes futurs (nous reviendrons plus loin sur ce point).

Un disciple assez critique : Libavius

Il naît en 1550 (ou en 1546 selon certains) pour décéder en 1616. Les deux dates sont importantes car la première suit de peu celle de la mort de Paracelse (1541) et la gloire posthume du Suisse est alors à son apogée. Quant à celle de son trépas, elle est contemporaine du mouvement des Rose Croix.

Une formation solide

Si nous disposons de peu de documents sur sa jeunesse, il est à peu près certain qu’il effectua des études de haut niveau puisque, dès 1590, il est chargé d’enseigner l’histoire et la poésie à l’université d’Iéna ; l’année suivante, il change de registre puisqu’il est nommé gymnasiarque (chef de gymnase) et médecin pensionné à Rothenburg, avant d’être nommé directeur du gymnase de Cobourg en 1607 où il décéda neuf ans plus tard.

« Alchymia »

C’est le titre de son principal ouvrage paru en 1595. Luttant contre la mystique paracelsienne (beaucoup de sottises furent affirmées par ses thuriféraires) tout en ne rejetant pas le Maître ni la transmutation des métaux… mais affichant le plus grand mépris vis-à-vis de l’or potable, il eut le mérite de réaliser une synthèse claire des idées scientifiques de l’époque.
Sur le plan chimique au sens le plus classique, nous devons retenir de Libavius sa célèbre liqueur fumante, en fait du bichlorure d’étain possédant des propriétés corrosives ainsi que sa technique faisant intervenir l’oxyde d’or pour colorer le verre en rouge. Il aurait peut-être aperçu l’acide camphorique et le sulfate d’ammonium…

LES OPPOSANTS

Nous pouvons même étendre le propos en affirmant que certains étaient prêts à nier toute forme d’alchimie ou avoir vis-à-vis d’elle des prises de position assez variables. Avec les deux exemples à venir, ce sont des cas qui demeurent assez représentatifs du temps et qui retiendront notre attention.

Un contradicteur pugnace : Bernard Palissy (1510 ?-1589)

Au-delà du savant bien connu pour avoir dû brûler ses meubles afin d’obtenir un feu nécessaire à la fabrication de ses faïences, il faut aller plus loin et voir en Bernard Palissy un homme fidèle à ses idées religieuses et scientifiques.
Nous ne nous attarderons peu sur les premières qui coûtèrent à ce partisan de la religion réformée, non pas la vie (ce fut un miracle qu’il réchappât plusieurs fois d’une exécution sommaire), mais quelques années de prison et surtout une existence de proscrit ; la protection des Grands du royaume (le connétable de Montmorency et le duc de Mayenne tout particulièrement) le sauvèrent du bûcher à plusieurs reprises.
Les secondes sont, en revanche, nettement plus en rapport avec l’objet de notre étude…

Un autodidacte dans les sciences

S’il ne reçut aucune éducation scientifique livresque, il acquit cependant une formation solide sur le tas ; partant à l’étranger dans sa prime jeunesse, il officia notamment dans les secteurs de la verrerie, la portraiture ou l’arpentage avant de se diriger vers les émaux.
Par la suite sa notoriété fut reconnue comme l’équivalent aujourd’hui d’un paysagiste en avance sur son temps, ce qui l’amena à coucher sur la papier ses réflexions élaborées à partir de ses observations du terrain (dans un livre intitulé : le Récepte véritable)… non sans y avoir mêlé quelques éléments de métaphysique et de philosophie. En outre, si ce travail le menait vers des innovations dans son domaine (l’intégration de grottes, de parois tapissées d’émaux ou de fontaines qui sont à l’origine de la notion de jardin délectable), il dérivait de plus en plus vers des notions de physique, ce qui devint le sujet de son livre suivant en 1580 où il concevait une théorie globale sur les eaux de source et insistait sur des points qui devaient bientôt entrer dans la chimie… s’intéressant à la formation des sols en général ce qui le conduisit à écrire ensuite un Traité sur les pierres et les marnes avant un dernier Traité de l’art de la terre.
L’homme rigoureux s’effaçant devant la nature ne pouvait que considérer avec dédain le Grand Œuvre et les adeptes…

Un mépris à l’encontre des alchimistes

La morale de Bernard Palissy ne pouvait que mal s’accommoder de la finalité des alchimistes… encore qu’il faille relativiser puisque ses critiques s’adressaient essentiellement à ceux qui se piquaient de fabriquer de l’or (les faux monnayeurs selon son expression).
Ces attaques contre ces derniers sont rassemblées dans les deux opuscules intitulés successivement : Traité des métaux et de l’alchimie d’une part et Traité de l’or potable de l’autre. Il est vrai que ce « breuvage » provoqua un véritable engouement à la Renaissance… peut-être parce qu’il se disait que Diane de Poitiers, la favorite du roi Henri II, entretenait sa beauté légendaire par ce moyen. Pour Palissy, ceci n’était que balivernes qu’il s’était fait confirmer par des éminences de la Faculté de Paris qui considéraient cette substance comme un poison. Et le pauvre Paracelse n’était pas à l’abri de ses sarcasmes dans la mesure où le Suisse prétendait avoir guéri des lépreux avec ce remède…
Mais au-delà d’une simple broutille à propos de l’or potable, il existait des divergences fondamentales entre l’alchimie et Palissy ; n’oublions pas que celui-ci avait consacré une grande partie de sa vie à l’étude de l’eau sous ses différentes formes et que, pour lui, la formation des matières métalliques était d’origine aqueuse. Son esprit se refusait, par conséquent, à les voir se former par le feu !

Jérôme Cardan : une existence tumultueuse

Retenons ce nom français passé à la postérité bien que son véritable patronyme fût Gerolamo Cardano, Italien né à Pavie en 1501 et mort à Rome en 1576.
Nous n’avons pas l’intention d’écrire à nouveau sa biographie (son goût du jeu, son mauvais caractère, son sens du plagiat aussi, mais également son génie puisqu’on lui doit les fameux « cardans » bien utiles dans les carrosses de l’époque !), mais de nous focaliser sur ses travaux et surtout sur ses relations avec l’alchimie.
Mathématicien et médecin de très hauts niveaux, il commença, du fait de jalousies, par être accusé de magie et de sorcellerie ; bien que cette cabale reposât sur un fond de vérité, il ne fut pas inquiété. Sollicité dans toute l’Europe par les puissants, pour les soigner, il voyagea, puis revint en Italie vers la cinquantaine en renouant avec l’astrologie, étant l’auteur d’un ouvrage sur les horoscopes où il s’aliéna les milieux catholiques par des prédictions iconoclastes (rappelant celles d’Arnaud de Villeneuve émises presque trois siècles auparavant). Dès lors, il ne lui restait plus qu’un (petit) pas à franchir pour s’aventurer dans l’alchimie…

Un adepte ?

Il est difficile de se prononcer ouvertement tant le bonhomme, au cours de sa vie, changea d’attitude à propos de l’alchimie…
Tout d’abord, il faut préciser qu’il rédigea deux livres sur le sujet dont le De Rerum varietate qui date de 1557 et où il détaillait ses conceptions sur le feu. Il y affirmait, contrairement à ce qui pouvait être lu un peu partout, que ce n’était pas un élément et évoquait aussi un gaz alimentant la flamme similaire en tout point à celui décrit par Van Helmont.
Faut-il considérer cette publication comme une suite au De Subtilitate parue environ vingt ans auparavant ? La réponse n’est pas évidente car les circonstances étaient alors fort différentes puisqu’il était en pleine bagarre avec le corps médical pour obtenir un poste de professeur et qu’il n’était pas le dernier à jouer de la plus grande provocation pour choquer…
Sur le fond, c’est encore plus ardu ; en effet, s’il met en évidence des phénomènes « nouveaux » comme l’augmentation de poids des métaux lorsqu’ils sont calcinés, l’explication qu’il en fournit et qui est de nature alchimique est, elle, complètement farfelue. Ainsi, dans le cas du plomb qui est brûlé, il en trouverait l’origine dans le fait que le métal meurt et que cela est dû à la chaleur céleste qui lui donnait vie et qui le rendait plus léger alors que son absence l’appesantit… Nous ne sommes pas ici, malgré tout, très éloignés de la théorie du phlogistique qui prétendra expliciter les mécanismes de la calcination des métaux jusqu’aux années 1770… Toujours dans ce premier travail consacré à l‘alchimie, il réfutait totalement le principe de la transmutation de métaux vils en or.

Une classification bizarre…

Comme beaucoup de savants de la Renaissance, Cardan était passionné par le feu et tout ce qui s’y rapportait, à savoir l’art militaire ou celui des machines (il n’était pas le seul : il suffit de voir, au manoir du Clos-Lucé, près d’Amboise, les maquettes des armes de guerre réalisées par Léonard de Vinci pour en être persuadé !)… Ceci explique qu’il les rangeait dans la « chimistique » où ces arts étaient, selon lui, utiles mais non éclatants ; à l’inverse, la magie et la cryptographie étaient des arts supérieurement subtils, mais non divins. Par la suite, sa position se modifia encore puisque l’art chimistique était presque divin, tout en étant douteux. Bref, il n’eût pas été superflu de demander des éclaircissements à Jérôme Cardan en matière d’alchimie !
Malgré tout, peut-être en raison d’une incohérence assez présente…, il ne se dégage pas une critique systématique acerbe comme cela a été perçu chez Palissy et il est assez surprenant qu’en tant que médecin, et d’un caractère peu sociable, il ne se soit pas laissé aller à adresser quelques flèches empoisonnées à l’encontre de Paracelse.

Dans le chapitre suivant, nous verrons bien au contraire que ce dernier n’en finît pas, à titre posthume, de se retrouver au centre de polémiques qui ne seront pas sans incidence sur l’Histoire du monde…

 

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