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D’origine suisse, Philippe Aureolus Théophrast Bombast von Hohenheim fut incontestablement la grande figure de l’alchimie sévissant à la Renaissance et il est impossible de préciser la pensée de celui qui prendra vite le pseudonyme de Paracelse en hommage au médecin romain Celse sans raconter les principales étapes de sa vie.

Sa vie

Son père, médecin, lui apprit le latin, la médecine ainsi que l’alchimie et l’envoya terminer ses études auprès d’un certain Trithème, qui avait alors une grande réputation dans l’occultisme et qui eut une grande influence sur le jeune homme.
Quittant son maître pour voyager, il entra au service des Fugger, des banquiers puissants dont l’Histoire a retenu qu’ils avaient financé l’élection de Charles-Quint comme empereur d’Allemagne, en travaillant auprès des mineurs de Villach, d’où était extrait un minerai de plomb. Il est probable qu’il bénéficia d’une lettre de recommandation de son père auprès d’eux. Toujours est-il qu’il travailla sur la maladie du saturnisme et qu’il eut très certainement la possibilité de s’exercer à des expériences dans des laboratoires qu’ils mirent à sa disposition.
En 1526 (ou 1527…), il fut appelé à occuper une chaire de médecine ou de chimie (c’est assez nébuleux) dans la ville de Bâle. Cette proposition lui fut faite dans des circonstances assez particulières puisque le poste était disponible depuis plus de quatre ans ! En réalité, la fonction était sensible car son titulaire se retrouvait sous la tutelle de deux autorités : la municipalité qui soutenait la Réforme et l’Université qui était un bastion catholique. La tâche était délicate… Pourtant, il n’était pas parvenu pour autant à Bâle par le fait du pur hasard. Des hommes illustres résidant dans cette cité, parmi lesquels Érasme et son propre éditeur Froben, qui avaient été auparavant ses anciens patients, l’avaient sollicité ; comme Paracelse les avait guéris et qu’ils connaissaient son esprit novateur, ils avaient pensé qu’il ferait une excellente recrue pour cet emploi difficile.
Ce n’était pas forcément le meilleur choix dans le contexte de cette époque relativement troublée ; d’ailleurs, son cours apparaissait comme extrêmement perturbateur. À l’enseignement traditionnel, il opposait une réalité des faits privilégiant la palpation et l’auscultation. Si nous ajoutons qu’il donnait ses leçons en allemand (ce qui était alors proprement scandaleux), qu’il brûlait publiquement les ouvrages de ses prédécesseurs les plus unanimement reconnus, comme Galien ou Avicenne, et qu’il condamnait publiquement les ennemis de Luther, il ne risquait pas de rester longtemps à Bâle… Il fut rapidement renvoyé de l’Université et se résolut à reprendre ses voyages, prodiguant ses soins aux puissants et à de riches notables. Il mourut en 1541 à l’hôpital de Salzbourg dans des conditions assez troubles.

Un érudit à la Renaissance

Mais, au-delà d’une existence aventureuse bien remplie, il faut bien avoir conscience que Paracelse était, avant tout, un médecin et que sa philosophie (au sens large ici, c’est-à-dire sa perception de l’homme) était centrée sur la santé humaine.
Il avait beaucoup lu les Anciens comme Aristote ou Galien ; s’il ne rejetait pas la théorie des quatre éléments, il en rajoutait ou en substituait d’autres et sa médecine se fondait sur la philosophie, l’astronomie, l’alchimie et la vertu. Très grossièrement, Paracelse se situait alors entre les empiristes purs exerçant la médecine sans fondement réel d’une part et, de l’autre, les théoriciens n’ayant absolument aucune idée de la réalité du terrain.
Car là, résidait, tout au moins partiellement, la spécificité de Paracelse lorsqu’il prescrivait des remèdes adaptés pour combattre une maladie chez un être humain. L’autre particularité à son endroit est que, pour lui, la santé de l’individu était intimement liée aux mouvements des planètes, d’où l’impérieuse nécessité pour un médecin d’avoir des connaissances en astronomie. Avec de telles conceptions, les maladies de l’homme (et son corollaire, la médecine), n’étaient alors qu’un dérèglement, au mieux passager, du système.

Sa pensée

Pour l’aborder, il est peut-être plus clair de synthétiser son explication de la formation du monde, puis de revenir en détail sur les différentes strates de haut en bas...

- tout en haut, Dieu,
- puis le « Grand Mystère »,
- une matière corrompue source de troubles quasi permanents,
- enfin, les trois principes ternaires divin, humain et alchimique, eux-mêmes engendrant les quatre éléments (le chaud, l’humide, le froid et le sec).

S’il n’est pas utile de revenir sur la nécessité d’un Dieu propre à chacun, surtout à la Renaissance, les autres points demandent une argumentation plus étayée.

Le « Grand Mystère »

Par ce terme, Paracelse désignait une entité comparable à une sorte de matière première ayant contribué à la naissance des corps simples et de la plupart des composants de l’univers… dont l’homme (bien sûr, le vocable de big bang était encore inconnu… !). Mais, selon lui, cette matière n’aurait pas été totalement « achevée » et supposerait, parfois, une aide extérieure de la part de l’alchimiste pour lui conférer un aspect plus « fini ».
Avec une telle vision des choses, l’alchimie avait acquis une connotation philosophique nettement plus marquée et la transmutation métallique, constituant jusqu’alors le fondement même des recherches des adeptes, devenait alors beaucoup moins prioritaire. D’après les conceptions du savant suisse, le travail de l’alchimiste était de se servir de la nature pour apporter un plus à l’être humain, non seulement en confort physiologique (sa santé) mais aussi pour recadrer sa position dans l’univers. La philosophie alchimiste était alors perçue comme un immense arbre possédant un tronc puissant d’où serait issue la vie terrestre au terme d’une évolution sans fin…

Une matière corrompue source de troubles quasi permanents

Pour Paracelse, une des causes majeures de perturbation de la santé serait due à la chute adamique ; cette faute originelle corromprait la matière et provoquerait, au niveau de l’organisme humain, des déchets s’éliminant difficilement et débouchant ainsi sur des déséquilibres organiques, sources de maladies.
L’autre facteur susceptible d’engendrer des affections devrait être recherché dans les raisons troublant l’harmonie universelle ; cela implique de savoir ce que le praticien suisse mettait dans une telle notion.
Pour lui, celle-ci était assurée par les trois principes ternaires qui seront développés ci-dessous et qui font appel à un peu plus d’alchimie...

Les trois principes ternaires

Afin d’être plus clair, ceux-ci seront classifiés de la manière la plus distincte possible. Paracelse les séparait en :
- divin, comprenant les mondes inférieurs, astral et divin proprement dit (cette interprétation n’est pas très éloignée de celle d’Aristote décrite auparavant) ;
- humain avec l’esprit, l’âme et le corps ;
- spirituel avec le Soufre, le Mercure… et le Sel (au sens alchimique du terme pour ces trois mots, le dernier pouvant très schématiquement être assimilé au cosmos).

À ce raisonnement philosophique très schématique débouchant sur les quatre éléments (c’est-à-dire à nouveau le chaud, le froid, le sec et l’humide), Paracelse a rajouté l’homme qui, en empruntant à chacun d’eux (d’où le vocable de quintessence), fonctionnait, selon lui, à peu près correctement… et cela, grâce à la volonté et surtout à l’imagination permettant de faire le lien entre le spirituel et le temporel.
En réalité, selon les spécialistes qui se sont penchés sur les écrits de Paracelse, il semble bien que ce dernier – en plus des Soufre, Mercure et Sel, qui sont des principes spirituels actifs – en ait intégré deux autres qui sont, cette fois-ci, passifs (et dénommés le flegme et la tête morte).
Que faut-il entendre par ces deux nouvelles notions ? Leur réunion constituerait le corps, la quintessence pouvant, elle, être assimilée à l’âme. Cette fameuse quintessence aurait alors la propriété de pouvoir séparer le pur de l’impur… à la manière d’une opération alchimique, comme l’est la transmutation d’un métal « vil » en or. Dès lors, nous sommes en présence de la transformation d’une matière nuisible en une autre ayant un effet bénéfique sur le malade, comme pourrait agir un médicament !
Cette symbiose de la médecine du corps et de l’âme a été fortement discutée, d’autant que Paracelse, ayant publié une œuvre considérable, n’a pas craint de se contredire au fil de ses textes. Cependant, pour une compréhension globale, il est plus simple d’en rester là car les différenciations entre quintessences métalliques et volatiles deviennent vite assez oiseuses d’autant que le Suisse suggérait d’en graduer le degré de perfection par le biais d’autres notions (dénommées arcanes) bien ardues à circonscrire avec exactitude !

Ses mérites

Ils doivent être reconnus non seulement dans le secteur de l’alchimie, mais également dans ceux de la médecine et de la chimie.

Un précurseur en chimie

La découverte du zinc lui a été attribuée. Tout comme Lavoisier deux à trois siècles plus tard, il a constaté que l’étain augmentait de poids quand il était calciné mais sans pouvoir fournir la moindre explication, hélas ! Dans le même ordre d’idée, il a noté l’apparition de « quelque chose » lorsqu’il passait de l’huile de vitriol sur du fer rouge sans pouvoir aller plus loin (c’est cette façon qui sera utilisée sous la Révolution pour produire de l’hydrogène en quantité industrielle…). L’acide nitrique, les sulfates, tout comme, dans un genre différent, les poisons ont été au centre de ses préoccupations scientifiques.
Des études sur les maladies
S’il a travaillé sur le saturnisme lorsqu’il était pensionné par les Fugger, il a cependant laissé aussi des papiers sur l’étude de la syphilis, l’épilepsie ou encore la peste.
En relation avec ce qui a été dit précédemment à propos du lien entre le spirituel et le temporel, il s’est également été intéressé aux pathologies liées à l’imagination.

Des innovations remarquées dans l’alchimie

La première à citer tourne autour du dissolvant universel, dénommé alkaest, dont il a été l’initiateur quoiqu’il n’y ait pas beaucoup travaillé. C’est essentiellement son disciple Van Helmont qui a repris l’idée avant qu’elle ne soit définitivement abandonnée au XVIIIe siècle, s’avérant inconcevable.
Plus prometteurs, en revanche, se sont révélés ses travaux sur la palingénésie (l’art de faire renaître les plantes de leurs cendres) encore que ses détracteurs aient émis beaucoup de réserves à ce sujet en pensant que les premières expériences sur ce point n’ont vu le jour que bien plus tard…
Il semblerait pourtant assez logique que, dans le cadre de la destruction de la matière (nigredo), la dissolution de plantes dans l’eau laissée à elle-même et produisant quelques cristaux susceptibles d’évoluer dans un contexte un peu particulier l’ait conduit à des extrapolations fumeuses. Bien sûr, il était tentant, de cette façon, de se rapprocher d’une forme de résurrection (Paracelse a prétendu lui-même qu’il aurait eu des succès avec des oiseaux) avec tous les excès que nous pouvons deviner (la fabrication de clones qu’il dénommait homunculi fait encore froid dans le dos, à moins qu’il ne s’agisse là que de symboles alchimiques à déchiffrer…).

Conclusion : Paracelse, un nouvel élan pour l’alchimie

Il est incontestablement à l’origine d’un tournant pour l’alchimie en ne privilégiant plus la transmutation comme ses dignes précurseurs du Moyen Âge ; mais cette mise à l’écart ne doit pas laisser supposer que Paracelse se fiche de l’or comme d’une guigne. Pour lui, le métal garde toute sa symbolique de perfection ; elle est simplement intégrée, comme nous avons tenté de l’expliciter, à une philosophie et à une médecine plus en harmonie avec les idées de la Renaissance.
Il va de soi qu’une pensée aussi iconoclaste n’a pu laisser indifférent au XVIe siècle ! Elle a engendré à la fois des disciples et des contradicteurs avec des conséquences incalculables que nous examinerons dans les articles à venir...

 

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